H  A  I  K  U     S  P  I  R  I  T
Issa




Simplement pour tout ça,
comme s'il n'y avait rien d'autre,
gel et pluie de printemps






Le petit papillon
vole comme si on lui avait retiré
le poids de ce monde de désirs






Un oiseau chante
quelque part dans le bosquet, mais
pas encore de fleurs de cerisiers






Il n'a pas beaucoup
envie de fleurir, ce
prunier près du portail






Tout simplement ~
le printemps est enfin arrivé
d'un ciel bleu pâle






"Allons voir les bambous !
Allons voir le prunier !"
crie maman moineau






Elle entre par le portail...
quelle étourdie,
cette grenouille vadrouilleuse !






Comme Saigyô le poète,
elle chante assise,
cette vieille grenouille toute maigre






Parmi les fleurs de thé,
les bébés moineaux jouent
à cache-cache






Sous la pluie de printemps,
qu'est-ce qu'elle baille
cette belle femme !






Assis tout seul
sous la pluie froide pour notre bien,
ce grand Bouddha de pierre






Si frêle, il s'accroche
dangereusement au Mont Fuji,
ce jeune peuplier






C'est dommage
que tu me suives moi
petit papillon






Les belles-de-jour,
en fleur, recouvrent le toit
de ma hutte






A la lumière d'un voisin
assis dans une chambre louée :
j'ai froid et le repas est froid !






En bonne compagnie,
le chat assis avec nous,
cette veille de nouvel an






Comme ce feu de braise
nos années aussi
s'éteindront bientôt






Un Bouddha près d'un champ ~
de son nez pend
un glaçon






Mon père aussi
a observé ces montagnes
de cette hutte d'hiver






Tôt ce matin,
est tombée sans faire de bruit
une feuille de paulownia







Le cultivateur de navets
avec un navet il montre
le chemin du retour






Elle tremble sans fin
comme un coeur solitaire,
l'herbe des pampas






Je m'en vais.
Jouez tant que vous voulez maintenant,
joyeux grillons !






Majestueuse pleine lune ~
rien d'extraordinaire
pour ce vieil épouvantail






D'où peut-il bien venir
ce froid à pierre fendre ?
Réponds, épouvantail






Le corbeau des landes
est si content, il s'est posé
sur le bananier

(*)





Juste hors d'atteinte,
cette châtaigne me nargue :
quelle couleur ! qu'elle est grosse !






Quand je serai mort,
j'espère que tu garderas ma tombe,
petite sauterelle !






Dans le bol du mendiant
quelques petites pièces
et des gouttes de pluie






Mère, je te pleure
en regardant la mer
et à chaque fois que je la regarde






Alors que l'on marque
les vieux arbres à abattre, les oiseaux
construisent leurs nouveaux nids






Mon village que j'aime ~
chaque souvenir me
pique comme une épine






Ce monde de rosée
n'est qu'un monde de rosée ~
et pourtant... oh ! et pourtant...






Ces montagnes au loin ~
leur reflet dans l'oeil
de la libellule






Ce seigneur et sa fortune :
qu'est-ce que ça peut bien me faire ?
de la rosée sur l'herbe dans le vent






Les doigts presque gelés
la prostituée du village râcle
la suie d'une casserole






Un monde de rosée
et dans chaque goutte de rosée
un monde impitoyable






Tout naturellement
je me prosterne devant la montagne
sacrée de Kamaji






Il épie derrière la clôture
par cette calme journée ensoleillée ~
le jeune moine de la montagne






Dans la clarté de la lune
je suis assis comme un vieux Bouddha
les genoux bien écartés






Dans ce monde
nous marchons sur le toit de l'enfer
en regardant bêtement les fleurs






Un monde d'épreuves,
et si les fleurs de cerisiers,
si elles poussent simplement






Canicule de l'année :
un chenapan m'a volé
mon ombrelle






Dans ce village de montagne
elle brille dans mon bol de soupe
la lune qui arrive






O escargot d'été,
grimpe lentement, grimpe lentement
vers le sommet du Mont Fuji






C'est vrai ! Même
chez les insectes,
il y a des bons et des mauvais chanteurs






Les nuages du soir se dispersent :
sous un ciel pâle, une chaîne
de montagnes en automne






Ce vieux pivert ~
il ne s'arrête pas alors
que la nuit tombe






J'allonge mes jambes fatiguées
confortablement ~ je lève les yeux,
quelques nuages passent






Calme-toi, frêle grenouille !
Maintenant qu'Issa arrive,
tu n'as rien à craindre






Ce clair de lune
éclaire un peu
le voleur de feuilles






Si joyeux et gentil !
Dans ma prochaine vie, que je sois
un papillon dans les champs






Douleur et souffrance ~
même si finalement le vieux cerisier
a fleuri









(*) Référence à Matsuo Basho (Basho = bananier) qui a choisi son nom de plume
d'après un bananier que lui avait offert un disciple.






Traduction : Gilles Fabre






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