Revue trimestrielle,
Printemps 2006, vol 4 no 1
Gilles Fabre, un poète
français qui vit en Irlande, considère que le haïku
est plus qu'une discipline littéraire. "Un haïku, dans son
essence et son esprit, dévoile quelque chose que beaucoup n’ont
pas remarqué ni senti, ou n’ont pas daigné vivre. Le
Haïku, est un délicat raccourci vers le cœur de la Nature
et notre vie de tous les jours". L'Art est subjectif. Quelqu'un pense
quelque chose, quelqu'un d'autre pense différemment. Moi aussi,
je considère que le haïku est plus qu'une discipline
littéraire. C'est un chemin, mais notre façon de suivre
ce chemin, ce que l'on y voit, et la direction que l'on prend sont un
choix personnel. Ceci dit, il est très agréable de
rencontrer un poète qui prend le chemin du haïku au
sérieux, dépasse les rudiments de cette forme, et, comme
ceux qui ont fondé le haïku, fait preuve d'un grand respect
envers la nature. Ecrire un haïku est plus qu'écrire et
savoir comment utiliser une formule.
Même dans ma poche ~
elle est partout ce matin
cette brise printanière
Gilles Fabre aime la vie et prend le
temps de voir et d'apprécier que que certains considèrent
peut-être comme acquis.
Avec cette brise océane
trois ou quatre mouettes
passent entre les poteaux de but
Fabre possède également
un sens de l'humour très plaisant :
Juste assez grand
l'oeil-de-boeuf des toilettes du pub ~
pleine lune d'été
Ainsi qu'un sens de l'observation
très pointu et une certaine ironie :
Presque tous en fleurs
les coquelicots que ma voisine a
plantés
avant de mourir
Même si l'auteur parle d'un
recueil de haïku, en fait ce recueil comprend des senryu et des
haïku. Il y a haïku et senryu. Ces deux formes sont
différentes, même si elles sont liées. Pourtant,
comme le font beaucoup de revues et magazines contemporains et en
ligne, Fabre mélange les deux genres sans mettre
d'étiquette.
SENRYU
Le courant est revenu ~
j’éteinds pour reprendre
ma lecture à la bougie
HAIKU
Montre-moi,
oiseau chétif pris dans les
bourrasques,
comment affronter l’hiver
En conclusion, j'aime ce recueil de
Gilles Fabre. La majorité des poèmes sont bien
écrits, ne tombent pas dans le même modèle,
possèdent un rythme certain et plus d'une couche
sémantique. Et certains sont inoubliables :
Extirpant la souris
du piège ~
comment vais-je mourir ?
Sur la glace, près
des saumons d’élevage, ceux
qui ont traversé l’océan
2. NEW HOPE INTERNATIONAL REVIEW
Critique de John Ballam, responsable de New
Hope International Review (revue
indépendante de poésie)
L'importante reconnaissance dont bénéficient les
poèmes de Gilles Fabre est impressionnante ; notamment le choix
des commentaires en quatrième de couverture de son premier
recueil de haïku. Ces félicitations d'un grand nombre de
poètes et de leaders d'organisations de haïku dans le monde
sont un hommage approprié pour ce qu'a accompli Gilles Fabre.
S'il est lui-même rédacteur en chef et éditeur de
haïku, recevoir tant de louanges pour son travail de la part de
critiques d'Europe, d'Amérique et d'Asie doit être une
source de satisfaction.
BECAUSE OF A SEAGULL est sans aucun doute emblématique du style
discret de Gilles Fabre. Ce recueil est réalisé avec
style et contient une centaine de haïku, en général
deux par page et certaines fois, un par page, séparés de
temps en temps par un dessin en noir et blanc, légèrement
ironique, d'une mouette. Et c'est cette touche, cette
délicatesse, cette régularité capricieuse, mais
toujours méticuleuse, qui définissent le style de ce
poète. Il est profond, comme on peut le voir dans sa courte
introduction dans laquelle il annonce qu'écrire des haïku
peut nous fait prendre conscience qu’il faut respecter ce monde aussi
fragile que transitoire dans lequel nous vivons mais peut
également apporter à certains illumination et
plénitude. Seul un vrai poète pourrait faire ce
rapprochement, car il y a peu d'autres domaines dans lesquels la
"conscience" mène naturellement au "respect". Mais en
dépit de tout le sérieux avancé dans
l'avant-propos et l'ambition, rien dans ces poèmes n'est
prétentieux ni formel. Voici quelques exemples :
Il cherche sa monnaie
ce vieillard,
la chemise à l’envers
Sous le soleil
le poissonnier pousse aussi
la camionnette du boucher
Après la messe
le prêtre se ragenouille
pour verrouiller la porte de l'église
Fin de journée ~
un vieux barbier
rase un vieil homme
Juste quand je pensais
oublier cette journée :
une coccinelle sur ma guitare
Coucher de montagne ~
parmi les pins
un arbre aux feuilles rouges
Je suis tenté de continuer encore et encore. Dans ses
poèmes sur la nature, mais plus encore dans ceux qui traitent
des gens, je trouve quelque chose de très personnel et
très honnête. Il n'y a pas d'imitation, pas de jeu ici, et
beaucoup de ses haïku sont saisissants de par leur
simplicité, offrant juste assez pour rendre l'expérience
de l'auteur d'un moment précis aussi unique et pourtant si
parfaitement partagé.
Ce recueil est une édition limitée mais si vous avez la
chance de trouver un exemplaire, appropriez-vous le par la lecture et,
pour qu'il soit plus encore à vous, partagez-le avec les autres.
3. MICHAEL McCLINTOCK
Cet ouvrage est le premier recueil de haïku de Gilles Fabre,
membre et leader du groupe Haiku Ireland (website) basé à
Dublin en Irlande qui s'agrandit de jour en jour avec des poètes
renommés et nouveaux comme Roberta Beary, Ernest J. Berry,
Glenda Cimino, Neville Keery, Sean Macmathuna, Maeve O'Sullivan, Jim
Norton.
Gilles Fabre, rédateur en chef du site bilingue de haiku Haiku
Spirit, est né en France et réside aujourd'hui en Irlande
où il travaille dans le monde du sport après avoir
été enseignant et traducteur freelance. Il est titulaire
d'une Maîtrise de Traduction à la Sorbonne (Paris) qui
portait sur la traduction de poèmes de l'auteur anglais Philip
Larkin. Il écrit des haïku depuis le milieu des
années 1990.
Les poèmes de Gilles Fabre se caractérisent par un aspect
lyrique et personnel et traduisent son enthousiasme pour le monde qui
permet au lecteur de partager et pénétrer paisiblement
ses expériences, comme avec un bon ami :
Même dans ma poche ~
elle est partout ce matin
cette brise printanière
Mon livre préféré ~
je m’en vais le lire
sous ces cerisiers en fleur
Averse du soir ~
dans le pub
je trouve un parapluie
Dans son avant-propos, Gilles Fabre fait part de sa conviction que le
haïku est plus qu'une discipline littéraire ou
poétique : la Voie du Haïku est une manière de
vivre". Il décrit l'écriture du haïku comme "une
esquisse objective d'un moment privilégié" et explique la
philosophie qu'il décèle dans cette poésie :
"Suivre la Voie du Haïku nous fait prendre conscience qu’il faut
respecter ce monde aussi fragile que transitoire dans lequel nous
vivons mais peut également apporter à certains
illumination et plénitude car cette Voie est une recherche
personnelle, parfois une quête spirituelle pour vivre pleinement
dans un monde meilleur. Suivre la Voie du Haïku équivaut
aussi à reconnaître que chaque moment et chaque
expérience que notre vie nous procure sont importants et que
chaque être vivant que nous pouvons croiser sur notre chemin
compte et mérite toute notre attention et notre humble
compassion."
Ses haïku couvrent la ville et la campagne, exprimant clairement
cet environnement du poète et son sens. Gilles Fabre a une
vision qui réfléchit sur le monde naturel notamment lors
de la présence de gens dans celui-ci. Les scènes qu'il
peint ne sont pas des natures mortes mais sont vivantes et
habitées par des gens et d'autres créatures. Voici trois
exemples qui révèlent la sorte de compassion dont il
parle dans l'extrait précédent :
Sous le soleil
le poissonnier pousse aussi
la camionnette du boucher
Presque tous en fleurs
les coquelicots que ma voisine a plantés
avant de mourir
Fin de journée ~
un vieux barbier
rase un vieil homme
Pour les créatures de la terre, Gilles Fabre fait preuve d'une
curiosité similaire et d'un sage et délicat sens de
l'humour :
Moutons sous la pluie ~
qu’est-ce qui pourrait bien
les faire cesser de paître ?
Et encore une fois, dans le poème suivant, et dans beaucoup
d'autres sur les 104 que ce receuil comprend, Gilles Fabre provoque un
enthousiasme qui me fait envie de relire l'ouvrage de William James :
Varieties of Religious Experience, ou, en tous les cas, son essai :
"The Will to Believe."
A la source du ruisseau
je plonge ma main
et bois
La conviction de Gilles Fabre que le haïku est plus qu'un genre
littéraire, qu'il est ou qu'il peut être au centre d'une
philosophie qui augmente notre pouvoir d'influer sur les choses qui se
passent dans notre monde, que le haïku est une sorte d'acte, est
toujours discrètement présente sans jamais surcharger le
travail simple et direct de ce poète. Lorsqu'il écrit le
poème suivant, nous découvrons quelque chose, apprenons
au même moment que lui :
Dans ce monde
où des hommes s'entretuent
j'embrasse mon fils pour la première fois
Peu de poètes de haïku se risqueraient à encadrer le
contenu délicat de ce poème avec une déclaration
si générale (et indiscutable). Mais Gilles Fabre
réussit ce tour de force grâce, selon moi, à la
juxtaposition de cette abstraction si dure avec une longue
troisième ligne qui a une force lyrique aussi immédiate
que convaincante. Cet auteur tient bien son gouvernail et se dirige
clairement vers la vérité.
Cet ouvrage est un remarquable premier recueil de la part d'une
nouvelle voix importante dont la lecture est hautement
recommandée.
4. BLITHE SPIRIT
Revue de la British Haiku Society (Association britannique du
haïku)
Volume 16/3, 2006
Critique d'Annie Bachini (version anglaise)
Ce recueil qui comprend un peu plus d'une centaine de haïku,
répartis en quatre saison, possède un dimension
méditative. Il n'est par conséquent pas surprenant de
lire dans l'avant-propos destiné au lecteur que Gilles Fabre
considère que le "haïku – cette objective esquisse d’un
moment privilégié – est plus qu’un genre
littéraire ou poétique : la Voie du Haïku est une
manière de vivre".
Ce qui frappe en ce qui concerne les haïku de ce recueil est leur
authenticité. Il y a également une démarche, un
ton qui donne l'impression au lecteur que Gilles Fabre lui parle
à lui seul, l'attirant ainsi dans le monde de l'auteur. Et du
fait du "minimalisme" du contenu, on a une impression
d'intimité. Je n'ai jamais rencontré Gilles Fabre mais,
à la lecture de Because of a Seagull je me demande si, en plus
d'être un haïkiste, il n'est pas un raconteur.
Parfait signet
s'il était plus long
mon cheveu blanc
Faibles pépiements ~
je m’arrête de lire
pour attiser le feu
L'importance du monde de la "nature" dans sa vie se
décèle encore et encore, la majorité de ses
haïku établissant un lien entre l'expérience humaine
et la nature plutôt que présentant la nature comme une
entité séparée, observée à distance.
Même dans ma poche ~
elle est partout ce matin
cette brise printanière
Juste quand je pensais
oublier cette journée :
une coccinelle sur ma guitare
Gilles Fabre ne manque pas non plus d'humour ou d'excentricité.
Il y a plusieurs haïku dans ce recueil qui nous permettent de le
surprendre, en train de penser "à voix haute".
L’inconnu
qui me salue avec son chapeau :
chauve comme un œuf
Mon vieux pull marin
ce n’est pas encore le jour
pour te porter
La qualité globale qui ressort de ce recueil est
l'humilité.
Par la fenêtre du bus
que j’ouvre pour saluer un ami :
première neige
Premières feuilles ~
avant de ratisser
je regarde le ciel bleu
Gilles Fabre est sans aucun doute un maître de ce style de
haïku.
TRADUCTION DES COMMENTAIRES DE LA QUATRIEME
DE COUVERTURE
‘… un haïkiste doté d'une extrême
sensibilité, d'une compassion qui est une
bénédiction.’
James W. Hackett
‘… De nos jours, le haïku est autant imaginaire que
réaliste. Nous trouvons souvent quelque chose de neuf, de
mystérieux et d'important dans notre vie quotidienne. Gilles
Fabre capture sincèrement ce quelque chose dans ses haïku.’
‘… Il est indispensable d'avoir un moment qui comprenne ou
suggère d'autres moments pour qu'un haïku soit excellent,
comme celui-ci :
In this world / where people kill people / for the first time I kiss my
son’
‘… Gilles Fabre nous montre silencieusement une vérité
réaliste et comtemporaine de notre vie.’
Ban’ya Natsuishi ; Co-fondateur
& Directeur de World Haiku Association
‘La force de ce recueil réside dans l'innocence et
l'honnêteté sans fards avec laquelle ces moments, qui sont
des trésors sans (certains diraient) importance, sont
paratgés. Il y a quelques fois une certaine ironie, mais tout
est toujours traité avec une grande délicatesse. Comme
Issa, Gilles Fabre s'adresse aux moutons et papillons, pissenlits et
escargots, même aux pommes ou à son pull marin et trouve
constamment une sorte de joie de
vivre dans les aspects ordinaires de notre vie. Il faut un
esprit d'une grande humilité pour célébrer ainsi
la vie.’
David Cobb ; ancien Président
de la British Haiku Society
‘… A la lecture de ces haïku, on réalise que le haïku
est plus que de la poésie comme cela est simplement
avancé dans l'avant-propos. Le haïku est un appel qui
éveille pour vivre une vie plus intense avec un esprit ouvert.’
‘… L'atmosphère dans ces haïku, avec une certaine
légèreté et un sens de l'humour discret,
révèle lentement la vraie identité du haïku :
la rencontre continue entre l'Homme et la Nature.’
‘…Après la lecture de ce recueil, un parfum émotionnel
d'une destinée se laisse humer... La réussite de ce
recueil réside également dans les grandes forces
cosmiques de l'Univers qui se manifestent derrière les petits
détails, les scènes banales que saisissent ces
haïku.’
Alain Kervern
‘… Il a admirablement cultivé son propre style unique – un
language qu'il serait trompeur de croire facile, un bon rythme avec
chaque mot familier séparé mais tous les mots ensuite
combinés et arrangés ensemble ; de la magie.’
‘… C'est la première ligne, et sa présence au
début, qui fait tout de suite de ce haïku un poème
original et universel : it is everywhere / this morning’s spring
wind. (Museum of Haiku Literature Award, Blithe Spirit, Journal of The
British Haiku Society, Volume 7, Number 4)’
Susumu Takiguchi ; Président et
Fondateur du World Haiku Club
‘… Je vis en Roumanie sur la côte de la Mer Noire où les
cris des mouettes sont omniprésents dans la journée. Pour
ces superbes poèmes, j'ai l'impression que tous ces moments se
passent près de chez moi et que l'auteur a le pouvoir de voir
tout le paysage avec les yeux d'un oiseau. Ce compagnon ailé -
la mouette - donne le rythme de ces haïku réels, superbes
de par sa présence.
Lecture hautement recommandée.’
Ion Codrescu ; Rédacteur en
chef de la revue internationale de haïku Hermitage
‘… Ces haïku sont riches de par leur contenu et leur humeur ainsi
que leurs angles de perception. Ses haïku possèdent
également une robuste sensualité quelque fois difficile
à détecter et expliquer au premier abord mais qui se
dégage ensuite accompagnée d'un sentiment de joie.’
George Swede